Madagascar : la faim et la précarité poussent des familles à vendre leurs enfants (FRANCE 24)
Par :Caroline BRENIÈRE, Gaëlle BORGIA, Jedidia ANDRIAMASY
13/03/2023
Hunger-stricken families in Madagascar forced to sell children (FRANCE 24 English)
(FR – verbatim)
(France24) Pour nous rendre dans les villages minés par la famine il nous faudra plusieurs jours dans des conditions extrêmes car le passage des cyclones Batsirai, Emnati l’année dernier, puis Chenesso, ont endommagé les routes et totalement isolé la région.
Les récoltes ont été détruites et l’acheminement des vivres est devenu quasiment impossible. Aide humanitaire tardive, inflation, résultat : plusieurs centaines de milliers de personnes ont sombré dans une famine jamais vue dans cette région fertile, au point qu’un tabou suprême a été franchi. Des parents ont été contraints d’abandonner ou vendre leurs enfants. Josianne a été approchée par une mère il y a quelques mois.
(Josianne Fasinera) Elle élevait seule sept enfants. Et elle ne s’en sortait plus. Donc, elle est venue pour vendre son fils de 11 ans. Je lui ai dit : ça ne se fait pas, ne le vends pas. Si tu l’as mis au monde, c’est que tu l’aimes. Ne fais pas ça à un enfant. Ça fait de la peine. Elle m’a répondu : je n’y arrive plus. Je préfère te le laisser. Je lui ai demandé : tu penses le vendre combien. Elle m’a répondu 1090€ (iray tapitrisa ariary).
(France24) Nous aurons d’autres témoignages similaires hors caméra. Pourtant, le gouvernement dément formellement l’existence de ventes d’enfants. Josianne l’a appris à ses dépens lors de la visite du gouverneur de la région (Fitovinany – Jeneraly Razafitsotra Olivier) en janvier.
(Josianne) Au moment où je parlais, on m’a coupé la parole, et on a dit que mon témoignage n’était pas recevable. Trois gendarmes filmaient et quand le gouverneur a pris la parole, il a dit qu’on ne pouvait pas enregistrer cette partie.
(France24) Cette petite fille a été retrouvée abandonnée dans une rizière une corde autour du cou. Elle avait trois mois. Lorsque Narisoa entend la nouvelle, elle récupère aussitôt l’enfant pour réaliser son rêve d’avoir une fille.
(Véné Masinday) Je pense que sa mère voulait la tuer en lui mettant la corde au cou, mais l’enfant a été retrouvé à temps.
(Narisoa) Sa maman ne pouvait plus la nourrir. Elle n’avait plus de moyens et elle l’a abandonnée. Elle n’avait plus de sous pour lui donner à manger. Autant la jeter et la tuer. Elle a ajouté que si nous retrouvions le bébé, nous pourrions le garder. Elle n’avait rien pour la nourrir et moi, je n’avais pas de fille. Je l’ai recueillie.
(France24) Depuis que les cultures ont été ravagées, un des rares aliments disponibles, ces tubercules toxiques qui donnent des crampes d’estomac. Ces villageoises passent leur journée à creuser la terre à la recherche de cette racine. Il n’y a pas de manioc. Il n’y a rien à manger. C’est pour ça que je travaille la terre pour trouver des pikipiky.
Séverine n’a d’autre choix que des pikipiky pour nourrir la petite Bétricia.
(Séverine) Mon enfant a mangé cette plante qui s’appelle du pikipiky, et un fruit qui s’appelle ampalobe. C’est pour ça qu’elle est comme ça. Je ne savais plus quoi lui donner, c’est pour ça qu’on lui a donné ça.
Sa tête était comme ça avant. C’est son corps qui est devenu très maigre. Cet enfant a 11 mois, il n’y a pas assez à manger. C’est pour ça qu’on est venu ici.
(France24) Le centre de base d’Ifanirea a été mis à disposition de Médecins Sans Frontières. Les humanitaires et le personnel local ont dépisté 6.500 enfants avec un résultat alarmant. Le niveau de malnutrition atteint trois fois le seuil d’alerte.
Au total, dans le district d’Ikongo, on a trouvé presque 20% de taux de malnutrition globale. C’est vraiment un problème majeur de santé.
20% de malnutris chez les enfants de moins de cinq ans dans ce district qui est selon les Nations Unies celui le plus affecté de tout Madagascar.
15% de la population totale y est en situation d’urgence. C’est plus que pour les districts du grand Sud touché depuis deux ans par la sécheresse.
(Gilles Grandclément) Avant ils produisaient. Ils avaient accès à la nourriture. Ils avaient accès aux récoltes, et là, avec le passage du cyclone, ils perdent leurs récoltes, les infrastructures sont endommagées, ils ont perdu leurs moyens. Certaines familles sont dans une situation tellement désespérées qu’elles ont approché les membres de l’équipe MSF en proposant de vendre leurs enfants pour subvenir aux besoins de leur famille.
Le Progamme Alimentaire Mondial s’attend à ce que près de 900.000 personnes se retrouvent en situation d’insécurité alimentaire aigue et élevée alors que la malédiction climatique continue.
Après le passage de Chenesso en février, la région vient de subir le passage destructeur du cyclone Freddy.
