(Vidéo en référence aux promesses creuses de Andry Rajoelina)
Traduit de l’article original “Madagascar elections: An environmental disaster in waiting” publié sur aljazeera.com
L’élection d’Andry Rajoelina à la présidence de Madagascar constituerait un nouveau coup dur pour la question environnementale.
Quels liens entre le Brésil et Madagascar? Les deux ont prêté leurs noms à des films d’animation. Les deux sont mondialement réputés pour leur biodiversité. Et tous deux font face à la perspective d’un dirigeant autocratique déterminé à détruire l’environnement de leur pays pour en tirer un profit à court terme.
Malheureusement pour le Brésil, Jair Bolsonaro a déjà été élu. Il devrait prendre ses fonctions à la présidence le 1er janvier. Lors de la campagne électorale, il a clairement exprimé son désir de piller la forêt amazonienne, en détruisant les défenses environnementales et les réglementations pour faire progresser l’industrie minière et l’agriculture industrielle à grande échelle.
C’est une dévastation non seulement pour l’Amazonie, mais aussi pour le changement climatique qui touche toute la planète: son rôle dans la conversion du dioxyde de carbone en oxygène lui a valu le titre de “poumons de la planète”. Le nouveau ministre des Affaires étrangères de Bolsonaro a pourtant affirmé que la science du climat était un complot des “marxistes culturels” pour étouffer le développement.
Le chemin ruineux que le Brésil semble sur le point de forger pourrait malheureusement être suivi par Madagascar. Le sort de son environnement est suspendu à une élection programmée pour le 19 décembre. Après un premier tour peu probant au cours duquel aucun candidat n’a obtenu la majorité absolue, Andry Rajoelina – un DJ devenu nabab des média – fera face à Marc Ravalomanana, président de 2002 à 2009. Si le peuple malgache opte pour Rajoelina, il représentera encore un autre coup porté à la survie de la nature.
Comme son homologue brésilien, Rajoelina a un penchant pour les coups d’Etat militaires. Bolsonaro a simplement loué le gouvernement militaire que le Brésil a enduré, mais Rajoelina en a réellement bénéficié: en 2009, l’armée a destitué le président élu démocratiquement et l’a installé comme “président de la Haute autorité de transition de Madagascar”. De manière prévisible, cette mesure “transitoire” a duré plus longtemps que prévu – comprenant un règne de près de cinq ans.
Parce qu’il n’a pas encore pris le pouvoir, nous n’avons jusqu’à présent entendu que des discours du président élu brésilien. Mais nous pouvons voir l’attitude prédatrice de Rajoelina envers l’environnement, comme le montre son bilan. Sa campagne onéreuse et coûteuse ne devrait laisser personne croire qu’il a adopté la démocratie ou l’environnement. Il suffit de regarder l’état épouvantable des forêts tropicales malgaches pour constater sa rapacité.
Les forêts de Madagascar abritent une grande partie de la biodiversité abondante du pays, y compris une flore et une faune remarquablement uniques. Cinq pour cent des espèces de la planète se trouvent à Madagascar et plus de 80 pour cent d’entre elles ne vivent nulle part ailleurs. L’un d’eux est l’arbre de bois de rose, prisé pour son bois rouge profond et ses prix internationaux élevés.
L’abattage illégal a toujours été un problème à Madagascar: les forces de l’ordre locales dans l’un des pays les plus pauvres du monde ne peuvent rivaliser avec l’appétit mondial pour le bois prisé. Cependant, sous le mandat de Rajoelina et de son successeur trié sur le volet, l’exportation illicite de bois de rose a explosé.
Alors que les ressources de la forêt tropicale humide de Madagascar ont été pillées, ses richesses naturelles ont été épuisées. La suppression d’un arbre entraîne l’abattage de nombreux autres, mettant gravement en péril la biodiversité. La disparition des lémuriens donne un aperçu de la situation dans son ensemble. Les 111 espèces sont uniques à l’île, mais presque toutes sont sur le point de disparaître , ce qui en fait les primates les plus menacés de la planète. Et c’est l’abattage illégal qui détruit leur habitat, les dommages causés ne peuvent pas être facilement annulés.
Il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur le trafic de bois d’œuvre, mais le WWF a estimé que depuis 2010, au moins un million de troncs de bois de rose ont été illégalement expédiées de Madagascar. De nombreux reportages et analyses documentent la flambée de l’exploitation forestière illégale qui a suivi le coup d’État militaire qui a amené Rajoelina au pouvoir. Un des premiers actes de Rajoelina fut de constater de manière scandaleuse l’abattage de bois durs précieux par décret exécutif. Se pliant à la pression internationale, il rétablit bientôt l’interdiction mais ne fit que peu pour la faire respecter.
Le commerce illicite a prospéré: après un an sous la présidence de Rajoelina, l’exploitation forestière illégale a abouti à la création de l’Atsinanana, une région de l’est de Madagascar contenant les réserves naturelles de Betampona et de Mangerivola, inscrite sur la “Liste du patrimoine mondial en péril”. Quelques barons du bois se sont enrichis, tout comme Rajoelina lui-même. Lors de son enlèvement, une réserve de billes de bois de rose a été trouvée dans le palais présidentiel.
Marc Ravalomanana, l’adversaire de Rajoelina, est loin d’être parfait sur le plan environnemental, mais à côté de Rajoelina, il ressemble à un éco-activiste endurci au combat. Durant son mandat, Ravalomanana a triplé les zones protégées, représentant 10% du territoire de l’île, et interdit toute exploitation commerciale dans ces zones.
D’un point de vue environnemental, le reste du monde ne peut que se féliciter d’un candidat à Madagascar. Comme nous l’avons vu avec l’élection de Donald Trump, puis de Jair Bolsonaro, des dirigeants arrivent au pouvoir et s’opposent activement à la protection de l’environnement. Le 19 décembre prochain, nous devons espérer que ce club destructeur ne gagnera pas un autre membre.
par William Laurance
17 décembre 2018
